Allison Sidh [ Terminée ]

[Minimum de ~ 200 mots - Cette partie comporte une barre déroulante]
Donc...Allie a grandi dans la bourgade de Cottingley avec sa mère, Gladys, et son père, quelquefois. Gladys est une femme menue au teint malade et à l'oeil humide. Elle se déplace peu, mange peu, rit peu et est dans l'état de dépendance affective d'un enfant de 6 ans. Anciennement pharmacienne, Gladys s'attribue un certain nombre de doses plus ou moins licites de substances à vertus anti-dépressives. Alan, le père d'Allison est un médecin de guerre qui n'a jamais fait passer personne avant sa vocation. Ce qui explique probablement l'admiration inconsidérée et la profonde dépression dans laquelle est tombée Gladys après avoir mis au monde leur enfant-radeau, qui n'a malheureusement pas été capable de garder Alan à bon port. Néanmoins, Alan a toujours fait montre d'une présence pécuniaire suffisante pour entretenir sa femme et son enfant. Inutile de préciser que le logis de Cottingley est vide de photos de famille, ce n'est qu'au travers des coupures de journaux qu'Allison a peu à peu découvert son père. Durant plusieurs années, la petite ne connaissait d'Alan que son nom, traînant à la commissure des lèvres livides de sa mère et la vague signature qu'il laissait sur les chèques mensuels. Elle avait toujours pris soin, pourtant, d'aller elle-même relever le courrier qui tombait inconditionnellement le 27 du mois.  Elle aimait passer l'index sous le chèque, à l'endroit où le stylo était passé, fugace. Le renfoncement de la mine sur la papier était le relief rassurant d'un père absent mais matériel, érigé en barrière face à cette mère éthérée. Gladys n'avait pas la force d'ouvrir ces courriers, vides d'affection. Allison avait donc très vite du se montrer autonome pour deux et s'approprier le monde des adultes afin de gérer les affaires de sa mère. Ce n'était pas, à l'origine, une enfant plus douée que les autres. Les enfants réagissent à leurs besoins directs et sa situation avait fait d'elle une gosse débrouillarde, très en avance sur ses camarades.

L'école, pour toutes les raisons évoquées précédemment, est très vite apparue comme une perte de temps insupportable pour Allie. Loin d'apparaître comme un élément au potentiel indiscutable, Allison mettait un point d'honneur à se faire exclure. Evidemment, sa mère ne s'est jamais présentée à aucune convocation du proviseur, puisque c'était Allie elle-même qui répondait aux courriers. Pas qu'elle tenait particulièrement à rentrer chez elle, car la compagnie de sa mère était morbide. Elle n'éprouvait pas plus de compassion pour Gladys que pour une plante verte. Non, à 9 ans, Allie partait à Bradford dès qu'elle en avait l'occasion. Elle rendait service aux distributeurs de journaux qui l'embauchaient de façon officieuse pour aller picoler. Evidemment, Allie était sous-payée mais cela lui fournissait une occasion de fuir ses "obligations". Cela l'entretenait également du bruit de ce vaste monde.

Elle vivait dans un univers si étroit qu'elle se prit vite de passion pour le journalisme. C'est de cette période que datent les fameuses découpes relatives à son père. Cela constituait pour elle une sorte de rendez-vous avec le monde réel et lointain qu'il représentait. Bradford adopta finalement la gamine, Billy en premier lieu, le patron du bar des diffuseurs de journaux. Il ne manquait pas d'offrir un sirop de violette à Allie à la fin de son service. " Tiens gamine ". Cela constituait au départ, leur seul échange. Billy ne posait pas de question et Allie lui en était reconnaissante. Le verre de violette finit par devenir une habitude et de-ci de-là, Billy devint un ami.

Allie poussait vite, trop vite pour son âge. Ses habitudes à Bradford, à courir les rues et gueuler les gros titres lui donnèrent la voix et le physique fuselé d'un jeune garçon. Allie apprit à cloper auprès de Billy et de ses habitués. Billy ne disait rien, comme à son habitude, même s'il ne la poussait pas au vice. Il pensait à raison que le sirop de violette avait trouvé ses limites curatives. Il y avait néanmoins quelque chose de troublant chez cette gamine de 11 ans qui en paraissait 15. Il en avait vu passer des gosses plus courageux que ces adultes beurrés au mauvais whisky. Ils avaient tous cette résignation au fond des yeux qui fait froid dans le dos... Mais Allie avait le don de déclencher autour d'elle ce phénomène de coïncidences qui sourit à ceux à qui la vie a fait un cadeau.
Et quelque chose en lui lui disait qu'il n'allait pas tarder à voir sa petite fleur de Cottingley virer de bord. Il ne croyait pas si bien dire.

Car Allie n'avait pas exactement 11 ans à vrai dire, plutôt 10 ans et 364 jours le soir où elle était restée traîner au coin du bar, plus tard qu'à son habitude.

" Serres-moi une pression Billy.
- Même les vieux de la veille son polis, Allie.
- S'il-te-plaît.
- Tu ne devrais pas être rentrée ?
- Quelle heure est-il ?
- 23h58, c'est pas une heure pour une gamine de 10 ans.
- Depuis quand tu fais le daron toi ?
- Depuis que tu me demandes une bière, chérie.
- Ya plus de tram, laisse-tomber, j'aligne deux fois le prix. "

L'odeur de l'argent ne laissant jamais indifférent, Billy esquissa un sourire derrière sa barbe mal rasée et appuya sur la gachette. Le tube émit un crachotement suivi de plusieurs détonations avant d'éjecter quelque chose qui ressemblait à du papier roulé dans le verre. Allie fixa son verre et leva des yeux inquisiteurs vers Billy qui fit patte blanche. Elle saisit le verre, en extirpa l'enveloppe et étudia le cachet et l'adresse. " Miss Allie Sidh, au comptoir du Dana Pub en face de la gare, Bradford ". Elle leva à nouveau les yeux vers Billy, un demi sourire aux lèvres. " Hé, Hé, Hé, me regarde pas avec ces yeux là, j'ai rien manigancé moi. " Elle ouvrit donc l'enveloppe en en extirpa la lettre qu'elle parcourut rapidement, son air s'assombrissait à mesure.

" Alors, qu'est-ce que c'est ? s'enquit Billy.
- Une blague de l'Education Nationale. " répondit elle d'un air sombre.
- Merde, ils t'ont pisté...je t'ai rien servi moi, d'accord ?
- Billy, ils m'envoient en internat et toi tu flippes pour ton business ?!
- Ah voilà autre chose. " Il saisit la lettre. " C'est quoi ces métaphores pourries...ils t'envoient en désintox ouais !
- Dis pas de c****eries ! " elle écrasa sa cigarette et jeta un coup d'oeil circulaire avant de pousser un long soupire.

" C'est mon anniversaire Billy.
- Godness ! Ca, ça vaut de la brune, fallait le dire plus tôt chérie !
- On fête ça ensemble et puis, je me barre, je veux pas finir entre les mains de ces rats.
- On verra ça plus tard, santé ma belle ! "

Cette fois, une belle bière mordorée sortit du bec, elle avait un goût rond et doux de croissant, sa chaleur caressante se dilatait dans la gorge. Allie avalait ça avec la voracité d'un chaton qui lapait du lait pour la première fois. Billy rayonnait. Ce soir là, il la porta jusqu'au lit de la pièce unique qu'il possédait au dessus du bar, il caressa son front en souriant devant ses joues toutes rosies par l'alcool. " Tu vas me manquer, gamine".

Cette fois, Allie n'avait plus le choix. Elle en avait déjà assez du lot de choses bizarres qu'elle avait du traverser pour atterrir là, au milieu de tous ces badauds collés aux vitres. D'habitude, elle aimait le train, son sauve-conduit vers Bradford. Allie aimait les gares, l'odeur du départ. Elle aimait le train et ces gens qui s'en allaient blasés vers l'heure de pointe. Ici, elle était coincée avec des spécimens de 11 ans, pourvus de leur ridicule tenue de suie...des jupes plissées qui batifolaient à l'approche imminente. Heureusement, Billy avait pu l'accompagner au Chemin de Traverse. Ils n'avaient jamais autant ri de toute leur vie. On aurait dit une cité hippie. Et il l'avait défendu corps et âme, lorsqu'elle avait réclamé un ensemble masculin au tailleur.

" Je ne tolérerais jamais que tu ressembles à un porte-feuilles chéri. " avait-il déclaré d'un ton grave, en sortant du magasin.

Bref, elle était là et n'avait pas vraiment eu le choix. Elle avait bien tenté de résister, mais les missives de rappel s'étaient faites nombreuses et même pressantes à l'approche du départ. Elle n'avait toujours pas effectué ses fournitures. Il avait fallu que deux hiboux furieux tirent Billy par les deux oreilles pour qu'il la résolve à entamer le Chemin de Traverse. Et une autre salve de bestiaux à plumes pour les tracer jusqu'à Kings Cross. Billy lui avait fait ses au-revoir la larme à l'oeil. Il lui avait promis de rendre visite à sa mère deux fois par semaine. Le départ d'Allie ne sembla pas l'affecter, elle était de toute façon bien plus incapable que n'importe quel commun de comprendre ce qui attendait sa fille.

Certes, son coeur avait battu d'admiration devant cette...immense prison que représentait Poudlard. Et la suite n'allait pas améliorer les choses. Allie était née-moldue et le comble de la chance l'avait administré à...Serpentard ! Totalement étrangère à cette ségrégation, elle n'avait pas cherché à s'en cacher. Plus grande que ses camarades, décalée de par sa tenue masculine, ses origines n'allaient rien arranger. Et c'est ici qu'elle développa une nature bagarreuse. Les tours de magie ne l'intéressaient pas vraiment, au départ. Elle préférait défendre sa valeur à coups de phalanges et cela lui réussissait plutôt bien. Elle usa de la magie, exactement comme elle avait usé de son intelligence quelques années auparavant : pour arriver à ses fins. Son physique lui permettait aisément de se fondre dans la masse des 2e voir 3e année, et ses pouvoirs firent le reste pour lui permettre de s'échapper à Pré-au-Lard dès que possible. Evidemment, Billy lui offrit sa bénédiction en 3e année, afin qu'elle puisse fréquenter les pubs à tout-va !

Elle n'avait rien perdu de son insolence et elle se moquait bien de faire perdre des points à sa maison. Et pourtant...comme pour tout le reste, elle était douée. Elle mettait ses méninges au service de ses qualités analytiques et mit un point d'honneur ( bien dissimulé ) à étudier le monde des sorciers. La situation dans laquelle le monde magique baignait n'était pas loin de la guerre froide qui avait commencé à agiter l'Europe quelques décennies plus tôt. Tyrannies diverses sous couvert d’événements ostentatoires, infiltrations, luttes de pouvoir...Cela interrogeait beaucoup la jeune Allie sur la nature humaine.

Allie dut bien céder à la frayeur qu'inspiraient les manigances du Mage Noir. Malgré tout, elle s'était habituée à la tranquillité de Poudlard. Elle abhorrait certaines valeurs résolument traditionalistes que le château et ses professeurs inspiraient. Mais elle avait du respect pour le vénérable Dumbledore, qui avait déjà eu des échos quant à son comportement rebelle. En fait, il était le seul qui parvenait à la canaliser un temps soit peu. Mais le vieux sorcier avait bien d'autres chats à fouetter. Elle devrait bien compter sur ses professeurs pour éclairer son potentiel. Allie continuait de manger de l'information au travers la Gazette et surtout en fréquentant les bars de Pré au Lard, qui représentaient le seul lien avec le reste du monde sorcier. Elle préférait les vieux roublards de la Tête du Sanglier aux bobos des Trois Balais. Si elle avait le chic pour se faire remarquer à Poudlard, elle se montrait d'une discrétion remarquable au sein des pubs. Elle glanait de l'information où elle pouvait, et son oreille attentive lui fournissait de précieux renseignements. De plus, le caractère réservé et l'oeil aiguisé d'Abelforth n'étaient pas sans lui rappeler son ami Billy. Son bras agile fut remarqué et elle lui proposa ses services, prétextant un désir de développer ses talents de serveuse...Allie espère évidemment qu'Abelforth lui propose officiellement le poste lors de sa 16 ème année.

Allie est maintenant en 6e année, tout juste agée de 16 ans, elle en paraît facilement 20. L'âge ne l'ayant pas aidé à céder au conformisme, la belle dispose de tous les atouts féminins ( et masculins ? ) nécessaires à l'épanouissement de son caractère. Vive, elle ne recule devant aucun débat, aussi nerveux soit-il. Allie n'est pas une femme de compromis, les gens qui semblent aller de biais ne l'inspirent pas quel que soit leur camp. Elle ne supporte pas les êtres faibles et le sentimentalisme, allergie qu'elle a contracté très jeune face à l'être fantomatique qui lui a servi de mère. Néanmoins, elle a réussi à instaurer un climat de tolérance ( relative ) entre elle et ses camarades. Plus discrète que dans ses jeunes années, Allie sert ses ambitions. Elle a parfaitement conscience de l'avantage que représente le fait d'avoir un pied dans l'Ecole de Magie, malgré son désir ardent de filer. Elle se contente donc de friser la moyenne. Cette aversion pour la faiblesse mentale est très certainement ce qui l'a poussé très tôt à s'intéresser aux arts de l'esprit tels que la Légilimancie et l'Occlumancie. Pour l'heure, Allie n'en est qu'à la théorie. Ce qui ne l'empêche pas de chercher ardemment à être initiée. Derrière ses allures d'électron libre, Allison suit une ligne droite dictée par son propre jugement. C'est une jeune femme de force et de courage, qui n'a pas l'habitude de se laisser abattre. Et cela constitue certainement sa principale faiblesse car le premier qui parviendra à la plier dévoilera une brèche ouverte vers ses nombreuses et profondes craintes.